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rault, en lui faisant mille compliments, que ce docteur passera encore ici avant de tomber à la capitale ; ainsi, qu’il prenne patience jusqu’à l’année prochaine.

Vous me demandez pourquoi je ne vous ai pas écrit longuement depuis quelque temps ; je vous répondrai avec une franchise égale à la vôtre : 1° J’ai eu peu de loisirs ; mais peut-être l’aurais-je trouvé si je n’eusse cru sentir que mes lettres vous interessaient un peu moins que précédemment ; je ne vous dirai pas sur quoi j’ai fondé cette idée, je n’en sais rien : ce n’est pas un jugement, mais un sentiment. C’est même assez intérieur pour que je présume, en y réfléchissant, que vous ne vous êtes pas vous-même aperçu de ce changement. Cependant il n’est pas grand, puisque vous remarquez mon silence, et j’en suis bien aise. Si vous eussiez été femme, je vous aurais déjà fait une petite querelle d’amitié ; mais, sans que je sache pourquoi ni comment, je ne me sens point du tout indulgente pour votre engeance ; et quand je ne crois pas à un empressement, un intérêt au moins égal au mien, celui-ci se concentre et je me tais tout naturellement. Peut-être cela vous paraîtra-t-il plus fier que généreux et point trop loyal en amitié ; je n’en sais encore rien, mais je suis faite ainsi.


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[À BOSC, À PARIS[1].]
22 décembre [1785, — de Villefranche].

[Eh ! mon ami, vous voilà bien échauffé ! Dites-moi pourquoi. Vous êtes plaisants, vous autres hommes ; vous vous récriez quand on vous dit une vérité, et vous finissez par convenir qu’elle est bien trouvée.

  1. Bosc, IV, 103. — et après lui Dauban, II, 544, — ont donné la plus grande partie de cette lettre. — L’original se trouve aux Papiers Roland, ms. 6239, fol. 264-264, et contient, à la fin, deux lignes de plus, terminant la quatrième page : « J’ai demeuré près de quinze jours à Lyon, je m’y suis fort amusée ; me voici rentrée dans ma tanière… » Mais la collection Alfred Morrison nous a fourni une cinquième page, où se continue la phrase commencée : « …d’où je ne compte plus sortir de sitôt. J’y retrouve mon excellent beau-frère, etc. »

    Ces circonstance montrent bien l’histoire des lettres de Madame Roland à Bosc : 1° lorsque celui-ci les publia en 1795, il ne donna pas tout ; 2° à une date postérieure, il restitua à la famille les auto-