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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/679

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moment tenir le salut de mon enfant. Que penser et faire maintenant ? J’attends Bussy, et nous verrons. En attendant, la fièvre subsiste : il y a toujours de la tension dans le bas-ventre ; les urines sont encore rares ; elles sont claires et crues. L’enfant ne veut ni ne peut garder le lit tout le jour constamment ; il est levé dans la journée, demeure dans sa chaise ou sur mes bras près du feu, marche encore assez ferme pour étonner après tant de maux et de diète. Le médecin veut que je le soutienne par des bouillons ; comme je crains l’empâtement et que la petite malade demande à manger, je donne le bouillon extraordinairement coupé et léger ; j’y ajoute gros comme le pouce de croûte de pain, bien cuite, rompue en petits morceaux et non trempée. Bussy le trouve bon, et c’est ainsi que nous allons depuis mardi. Du reste, tisane de mauve, trois lavements adoucissants par jour, fomentations de lait et mie de pain : voilà notre vie. Cette nuit, sueur froide, petits hoquets, en rejetant une pleine gorgée d’eau glaireuse, avec quelques débris du peu de pain du soir ; douleurs de ventre, enfin abattement extrême et moitié sommeil : c’est la situation du moment. Je respecte cette sorte de repos de la nature, je n’ose rien faire ; je ne sais non plus que prévoir. J’aurais déjà envoyé chercher Bussy, mais peut-être que cette apparente inaction est plus salutaire que les secours incertains des hommes. Que devenir dans le labyrinthe de leurs contradictions ? J’ai déjà vu de celles-ci entre la mère La Chasse et Bussy, autant que j’en trouve à ce moment entre Rast et Vitet. Je n’ai pu dormir ; je t’écris, et j’ignore si l’idée que j’avais hier n’est pas à rejeter aujourd’hui ; j’avais envie que tu amenasses un médecin de Lyon à ton retour ici ; mais ils sont aveugles comme les autres, ils nous tueront notre enfant aussi bien que le vulgaire des Hippocrates, — peut-être avec plus d’effronterie, peut-être aussi serait-ce… Quoi ? …Je m’y perds. Je vais tracer à part, en forme de mémoire, la suite et le traitement de la maladie ; tu consulteras deux des médecins de Lyon les plus instruits, chacun à l’insu de l’autre ; probablement nous gagnerons autant à attendre leur consultation qu’à suivre leur avis. J’en ai fait autant hier à Lanthenas.