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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/688

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M. Gillet est venu pour te souhaiter un bon voyage le jour que tu étais parti ; il m’a témoigné de l’étonnement d’avoir vu l’abbé Pein abordant mon frère dans la rue étant reçu de celui-ci comme à l’ordinaire ; il s’imaginait que la conduite de cet abbé à notre égard lui aurait dû attirer beaucoup de froideur de la part du frère. J’ai répondu que la trempe pacifique et molle de ce dernier entraînait nécessairement cette façon d’agir à l’égard d’un confrère qu’il réduisait d’ailleurs à son vrai taux. Effectivement, ces misères ne doivent se remarquer que pour en mieux juger son monde, et non pour les relever jamais. Je ne sais rien de nouveau de la canaille caladoise et autre[1] ; tout cela végète et barbotte dans un fossé, sans bruit pour le présent.

Je vais faire une réponse à M. Bernier[2]. Adieu, mes amis[3] ; embrassez-vous pour moi. J’adresse encore celle-ci en droiture ; j’étais tentée de l’envoyer par d’Antic, mais j’ai quelque crainte de retard, et je crois bon que tu aies cette pacotille avant de passer outre.

J’ai fait ma lettre au vieux chevalier[4] ; elle est polie comme un ange et répond bien à sa turlutaine. Si tu veux la voir, il faut que ce soit dans ses mains, car elle est partie comme un trait, et je n’ai pas de temps à perdre pour la copier ; ainsi tu m’as bien l’air de ne pas lire cette pièce curieuse.

Bon Dieu ! cette chienne de pluie ne finit pas ! Je grelotte dans l’idée que tu es sur l’impériale ; je vois la fièvre, le rhume, les fluxions, le diable tomber avec cette pluie, et jè suis déconfite jusqu’aux bonnes nouvelles.

Aujourd’hui vendredi, je fais nettoyer au cabinet ; je commence d’envoyer au Clos chandelles, encre et confitures pour la belle amie, si elle y vient. Le temps est plus beau ; je respire en souhaitant qu’il en soit de même sur ta route.

  1. On voit que les habitants de Villefranche s’appelaient dejà, comme encore aujourd’hui, « les caladois ».
  2. Bernier, — inconnu.
  3. Roland et le curé de Longpont.
  4. Le vieux chevalier, le « Nestor », qui se faisait fort, avec les papiers de famille de Roland, d’établir ses titre à des Lettres de reconnaissance de noblesse. — Voir lettres des 24 et 30 avril 1784.