Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/795

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portera du linge ; nous essayerons de cet amusement. Je ferai des modèles tant bien que mal, en attendant mieux.

Nous commencerons incessamment à monder ; je compte faire la veillée avec nos gens ; je coudrai tandis qu’ils casseront les noix, et cette petite communauté ne sera pas d’un mauvais effet.

Je ne suis pas sans quelque inquiétude des courses du jeune homme avec Lubac[1] ; ce sont deux étourdis dont le dernier ne craint pas la bagatelle ; pourvu que l’autre n’aille pas attraper noise ! J’aurai du souci jusqu’à ce qu’il soit et revenu et parti.


Le 20 au soir.

Notre frère est arrivé hier, après dîner. Il m’a apporté la lettre de l’Intendant que je garde suivant ton intention, et qui, toute contresignée quelle fût de sa main, a été taxée six sols, à cause d’une incluse pour M. de Trézette[2] (il y avait sur l’enveloppe taxée suivent l’arrêt du Conseil), plus une lettre affranchie de Garnier[3] ; ce sont des remerciements de cet honnête homme, qui te dit qu’il est payé et qui te rend ses actions de grâces ; en outre la ci-jointe de Chaix que je t’envoie seulement par occasion ; enfin une autre de Platon, plus foudroyante encore que la première pour son fils. Il a reçu mon compte rendu de la première équipée et ta vigoureuse apostille ; il est au désespoir et ne veut rien entendre pour le jeune homme que de l’embarquer s’il ne reste avec nous ; les mères se désolent, la digne veuve Cousin[4] lui écrit quatre lignes pour lui exprimer qu’il abrège ses jours et lui en fait passer le reste dans les larmes. Le pauvre père lui signifie qu’il n’a point de grâce à attendre de lui, que, si son âme est incapable de s’élever près de nous, il n’a plus qu’à le venir joindre pour s’embarquer et que, dans cette nouvelle carrière, s’il ne se comporte honnêtement, il saura s’assurer de lui par une lettre de cachet, que le Ministre ne refusera pas,

  1. Nous ne savons qui est ce Lubac avec le jeune homme « faisait de courses » dans Lyon. C’était probablement l’élève-inspecteur de Roland.
  2. François-Marie Ducreulx de Trézette, sous-lieutenant de la maréchaussée, à Villefranche (Alm. de Lyon, 1786).
  3. Garnier, — inconnu.
  4. La mère des deux frères Cousin, grand’mère du jeune homme.