l’on peut s’en rapporter sur cette résolution momentanée pour le faire persister dans la même carrière et nous exposer à perdre tous notre temps ; que la question est douteuse, que je veux bien ne la pas résoudre ; que je ne puis juger son fils que rigoureusement, qu’il a rebuté mon cœur et trompé mes espérances ; que je me sens trop d’opposition avec ces âmes léthargiques et lâches ; que notre seule amitié pour lui, bon et malheureux père, peut uniquement nous engager à faire ce qu’il croira bon, et que je l’en laisse juge ; sachant d’ailleurs que, lorsqu’il était question de servir l’amitié et de la servir dans sa personne, tu ne te refuserais à rien.
Voilà, mon ami, ce qu’il m’a semblé indispensable d’écrire, et pour la vérité des choses, d’une part, et, de l’autre, par égard pour un ami, un père, un homme aussi estimable et autant à plaindre que Platon.
J’avais prévu cela par ses lettres ; je voyais que son alternative devait pousser le jeune homme à demeurer et que les parents ne demandaient que cela. Que veux-tu ? Le calice est rempli ; il s’agit de le boire, au nom de la sainte amitié. Puisse ce sacrifice nous valoir de n’avoir jamais besoin de rien de semblable pour notre enfant, d’une trempe fort ressemblante à celle-là !
Ainsi mon pauvre cœur cherche des dédommagements ; je vais soigner ici une très pauvre femme, de l’âge de mon père ; je me dis que, puisqu’il m’ôte la faculté de lui rendre des devoirs dont j’aimerais à m’acquitter, j’irai du moins consoler des gens de son âge qui ne se sont point attirés d’aussi dures privations et que la misère accable encore plus. Je me dis, en répondant aux vues de Platon : au moins, j’aurai mérité l’aide et les consolations dues aux pères et mères dont les enfants ne sont pas dignes d’eux.
Le jeune homme n’a perdu l’appétit que pour déjeuner ; il était aussi bien mangeant, presque aussi gai que de coutume, à dîner. Il est venu, depuis, me prier de lui donner quelques moments pour l’anglais et l’italien ; il a repris l’Encyclopédie ; tout cela durera-t-il longtemps ? Tout ce que je sais, c’est que je le mènerai vertement.
Dis à Mme Chevandier, de ma part, qu’avec le tact que je lui connais