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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/838

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[À BOSC, À PARIS[1].]
2 juin 1788, — [de Villefranche].

Vous, habitant de la capitale et au courant de ce qu’on y pense, dites-nous ce que c’est que M. Carra[2], l’auteur de la brochure intitulée : M. de Calonne tout entier, etc. ; l’auteur du Petit mot, de plusieurs ouvrages de littérature que je ne connais pas, et qui se dit employé à la Bibliothèque du Roi ? Quelle espèce d’homme est-ce ? Que sont ses talents ? De quelle réputation jouit-il ? Quelle sensation a produit son écrit sur le Calonne et qu’est-ce qu’on en dit ? J’ai besoin de savoir toutes ces choses.

Tout ce que je connais de lui est ce Calonne tout entier, écrit d’un style ferme, dur et méchant ; d’une tournure si déclamatoire, qu’en voulant m’amuser à le lire haut, avec l’accent qui parait convenir aux expressions, je me trouvais fort ressemblante à une énergumène ; il y a de quoi enfler une poitrine de stentor et faire sauter tous les plafonds.

  1. Lettre publiée pour la première fois en 1820 par Barrière (I, 334), qui devait la tenir de Bosc ; reproduite par M. Dauban (II, 566). Nous donnons le texte d’après une copie que Mme Cl. Bader a prise sur l’original, trouvé dans les papiers de Barrière, copie qu’elle a bien voulu mettre à notre disposition. — L’original (L.a.s., 4 p. in-4o) a été vendu par M. Noël Charavay le 17 décembre 1895, n° 29.
  2. Carra (1742-1793), le conventionnel bien connu, était, à cette époque, employé à la Bibliothèque du Roi.

    Dans sa polémique avec Calonne, pour le compte de Brienne qui le protégeait, un seul point intéressait les Roland : d’après Carra, les machines anglaises à carder et filer le coton auraient été inventées ou apportées en France par les sieurs Miln (voir lettre du 19 novembre 1785), et signalées par lui, Carra, à M. de Calonne, qui en aurait signé l’acquisition en sa présence par un traité du 19 octobre 1785.

    C’était enlever à MM. Martin et Flesselles, les véritables introducteurs du Mull-Jenny, pour lequel ils avaient obtenu des lettres patentes de privilège par l’arrêt du 18 mai 1784, l’honneur qui leur revenait, et Roland prenait feu pour la cause de ses amis, qui était aussi la sienne (Voir Dictionnaire des manufactures, t. II, 2e partie, p. 137, ses revendications pour Flesselles contre Miln et Carra)

    Voici les titres complets des deux pamphlets de Carra : Un petit mot de réponse à M. de Calonne sur sa requête M. de Calonne sur sa requête au Roi. Amsterdam, 1787, in-8o ; — M. de Calonne tout entier, tel qu’il s’est comporté dans l’administration des Finances, dans son commissariat en Bretagne, Bruxelles, 1788, in-8o.