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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/875

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[À BOSC. À PARIS[1]]
3 avril 1789, — [de Lyon].

En deux mots de questions, vous me donnez des pages à vous répondre.

Vous désirez savoir ce que l’on pense dans notre grande ville du S[ieur] R[ey] et de Sa femme[2]. Primo, il n’est pas procureur du roi, mais lieutenant de police, et assesseur criminel à la sénéchaussée. Ces qualités jettent plus de jour que vous ne pensez sur le caractère de celui qui en est revêtu.

Il est de notoriété publique que, comme assesseur criminel, c’était, de tout le siège, celui des magistrats qui soutenait le mieux le spectacle des malheureux mis à la question ; lorsque les juges étaient fatigués ou émus, on les livrait à R[ey] qui, froidement, prolongeait l’interrogatoire, et s’en allait paisiblement au spectacle après avoir condamné à mort.

Devenu lieutenant de police, et particulièrement dévoué aux soins de cette place, il s’est masqué d’une si bonne âme que, deux fois cet hiver, il s’est évanoui sur les quais à la face du peuple, en voyant les glaces emporter un pont et des bateaux. Cette farce, et bien d’autres,

  1. Collection Alfred Morrison, 2 folios.
  2. Antoine-Claude Rey, lieutenant général de police ; conseiller en la sénéchaussée et assesseur de la maréchaussée (Almanach de Lyon, 1789, p. 173, et Supplément, p. 4). Les auteurs du Catal. des Lyonnais dignes de mémoire disent « qu’il se distingua par sa vigilance et son zèle, pendant l’hiver rigoureux de 1789 ». Ils ajoutent qu’il émigra « en même temps que les princes » (?) et mourut en Sicile en 1810. Il avait été, en 1789, un des sept commissaires-rédacteurs des cahiers du Tiers-État de Lyon.

    Pourquoi Bosc s’enquérait-il de ce personnage ? Il s’était évidemment formé à Paris, au moment des élections pour les États généraux, des agences recommandant les candidatures aux provinces, et on peut présumer que Rey avait sollicité l’appui de l’une d’elles, à laquelle Bosc aurait tenu de près ou de loin.

    Peut-être aussi s’agit-il tout simplement de l’appui du Patriote français, de Brissot, dont le prospectus avait paru le 16 mars, mais dont diverses entraves retardèrent l’apparition jusqu’au 28 juillet.