Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/924

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désirent contribuer à son plein succès. Vous êtes lié, à Paris, avec l’honnête et digne Lanthenas, c’est lui qui vous a fait connaître à nous, et vous lui aurez entendu parler de son ami de Lyon, Roland de La Platière ; ce n’est que la femme de celui-ci qui vous écrit aujourd’hui, mais comme une même âme les anime, les expressions de l’un vous rendent les sentiments de l’autre. Nous avions l’espérance de vous voir ici à notre fête civique, et nous nous en étions fait une de vous accueillir. Ce plaisir n’est que retardé sans doute ; l’ami Lanthenas doit s’acheminer vers notre ermitage dans le courant du mois d’août ; vous avez à nourrir ensemble des projets auxquels nous pourrions prendre part de quelque manière[1]. En attendant que les circonstances permettent de les combiner sûrement pour travailler à leur exécution, j’ai voulu me procurer l’avantage de votre correspondance ; le désir en était tout naturel chez de bons patriotes, j’avoue cependant que je dois à M. Lanthenas l’idée et la résolution de la provoquer.

Vous êtes occupé d’un objet bien intéressant[2] qui absorbe aussi, pour ainsi dire, dans ce moment mon excellent mari. Je ne sais si vous aurez beaucoup à vous applaudir des administrations que vous concourrez à former, ou du moins des sujets que vous allez leur fournir. Autant les fonctions d’électeur sont honorables et importantes, autant il me parait difficile de les bien remplir dans ce temps de crise, parmi l’ignorance des bons cultivateurs et l’intrigue des gens des villes.

La cabale a presque tout fait pour le département de Lyon[3], dans lequel il

  1. On verra plus loin qu’il s’agissait d’acheter en commun un domaine sur les biens du clergé dont le décret du 20 mars 1790 avait ordonné la vente, par l’intermédiaire des départements et des communes, jusqu’à concurrence de 400 millions. Le décret décidant l’aliénation totale ne fut rendu que trois jours après cette lettre (25 juin). Lanthenas cherchait l’emploi de sa légitime ; les Roland avaient à placer une somme assez importante, qui devait provenir du produit du Dictionnaire des manufactures ; Bancal qui était aisé, avait peut-être aussi à employer le prix de sa charge, vendue en 1788.
  2. Bancal, qui projetait dès lors d’aller voir les Roland pour l’association dont nous venons de parler, était retenu à Clermont par les élections pour l’administration départementale.
  3. Les élections pour le Conseil général du département de Rhône-et-Loire avaient eu lieu du 7 au 15 juin. Parmi les élus, figuraient quelques amis de Roland, dont le vieil avocat Pezant, de Villefranche ; mais « mes électeurs avaient tenu compte des aptitudes administratives et de la notoriété locale ; il est difficile de reconnaître à l’élection, considérée dans son ensemble, une couleur politique déterminée… » (Wahl, 169)