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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/937

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le ramènent aux principes, et elles préservent de l’adulation à laquelle notre malheureuse légèreté ne nous porte que trop. La sécurité est la mort de la liberté ; les indiscrétions de la cour nous tiennent en éveil et elles sont salutaires sous ce rapport.

Mais la coalition des ministres entre eux, le caractère du papa N. [Necker], le voile tenu sur nos finances, la lâcheté du comité de l’Assemblée chargé de cette partie, voilà des maux réels et de terribles écueils. Je voudrais qu’une voix universelle, imposante, s’élevât de toutes les provinces pour demander ces comptes tant attendus et forcer la vérité à sortir de son puits. Malheureusement, beaucoup de départements sont mal organisés. Celui de notre belle ville vient de prendre pour sous-ordres les dévoués de l’aristocratie. Je crains fort que la conduite faible, oblique et mal soutenue de la municipalité ne finisse par produire des scènes sanglantes.

On a envenimé la conduite du peuple[1] ; il n’a rien incendié, suivant ce qu’on nous a mandé ; mais il s’est attroupé et, sur ses clameurs contre les octrois, la municipalité a convoqué les assemblées de sections. Le vœu de toutes a été pour la suppression des octrois, au moyen d’un remplacement. D’après la généralité de ce vœu, la municipalité, assemblée le 10, a prononcé solennellement l’abolition des octrois, et les assemblées des sections ont été convoquées à l’effet de nommer des commissaires pour aviser aux moyens de remplacement. Tandis que ceci se passait à Lyon, un exprès envoyé par la municipalité informait les députés de la ville[2] des premières rumeurs et les engageait apparemment à solliciter le maintien des droits. Effectivement, l’Assemblée nationale rendit, le 13, un décret pour supplier le pouvoir exécutif de veiller à leur conservation.

Le décret arrive, et la municipalité se hâte de le faire afficher. Le peuple, déçu, se croit joué ; il s’assemble, il menace, il veut jouir de ce qui lui a été promis ; les commissaires des sections travaillent au plan de remplacement, ils le présentent à la municipalité, qui l’a expédié extraordinairement et qui a dû faire connaître l’empressement de tous les citoyens, jusqu’aux plus pauvres ou-

  1. Voir, sur toute cette affaire des octrois de Lyon, le livre fort étudié de M. Wahl et notre Appendice O : « Lyon de 1790 à 1791 », où nous avons résumé l’essentiel. — La municipalité avait voté, le 10 juilllet, l’abolition des octrois, Roland et ses amis, et même Blot, voulaient les remplacer par un taxe progressive sur les loyers ou par une autre imposition directe.
  2. Millanois, Périsse du Luc, Couderc et Goudard, députés de Lyon à l’Assemblée nationale.