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ANNÉE 1780

maman[1], mille choses respectueuses et tendres ; en bonne amie, tu as dû me pressentir et me suppléer.

Reçois de mon mari beaucoup de civilités et de jolies choses.

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[À SOPHIE CANNET, À AMIENS[2].]
9 mars 1780. — [de Paris.]

J’ai reçu ta lettre, je la relis avec attendrissement ; ton cœur et ton amitié s’y peignent d’une manière touchante. Il semble que tu veuilles te venger, par une générosité de sentiment, du changement que tu t’obstines à voir en moi. Sans doute, mon âme a subi de vives révolutions, et l’état où elle se trouve est nouveau pour elle ; mais l’exposé de tes idées me fait connaître que tu me juges encore autre que je ne suis. Non, ma chère amie, cette franchise qui me valut ton estime, cette sensibilité que tu développas, n’ont point souffert d’altération. J’ai pu passer par des circonstances singulières, je n’ai cessé d’être fidèle aux lois de la confiance. Ferme dans leur observation, je goûte aujourd’hui le dédommagement de ce qu’elle m’a coûté. Voudrais-tu donc affaiblir ma satisfaction, en me laissant penser que tu ne me crois pas exempte de tout reproche sur cet article ? il y a peut-être dans les possibles eu une situation avec l’alternative de passer pour fausse ou de l’être réellement[3]. Cette idée m’est venue souvent dans les querelles précédentes que tu m’as faites ; le souvenir de Fabius s’est présenté aussi à mon esprit ; j’ai suivi opiniâtrement le devoir, sans écouter toute autre considération, à tel prix que ce dût être. Je sentais depuis longtemps que le témoignage secret d’avoir bien fait était pour moi un avantage nécessaire, que rien ne pourrait remplacer, et je ne connaissais pas de soin qui pût passer avant celui de me le conserver. Tu connais mes principes à cet égard ; je te renverrais volontiers à certaine lettre écrite du couvent[4], en réponse à celle que ta sœur m’avait apportée. Il en est quelques-unes de cette espèce que nous pourrions nous rappeler ensemble, et qui, bien méditées, ne

  1. Mme Cannet.
  2. Dauban, II, 426.
  3. Ces explications visent le secret que Roland, lorsqu’il s’engagea avec Marie Phlipon, avait exigé d’elle envers les sœurs Cannet, secret qu’elle avait strictement gardé. — Voir notre étude sur « Marie Phlipon et Roland ».
  4. Lettre du 25 décembre 1779. éd. Dauban, II, 414.