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loin de ma route, je l’ai cherchée à mon retour ; mais elle se trouvait, pour cette fois, dans une maison plus éloignée, et je n’ai pu la voir.

La citation de Fontenay-aux-Roses avait éloigné mon imagination de Meudon, lieu charmant, que j’ai tant pratiqué et où mon jeune cœur s’est si souvent gonflé du bonheur d’être et du plaisir de méditer une bonne action[1] ! Vous vous apercevez bien qu’en m’adressant à deux, il m’arrive portant de ne prier qu’à un à la fois ; chacun entendra sa réponse ; mais je ne sépare pas deux voyageurs qui doivent faire la même route et qui sont attendus ensemble.

Adieu, nos bons amis, jusqu’à la bonne nouvelle après laquelle nous aspirons. Nous vous embrassons cordialement.

On nous mande d’Amiens[2] qu’on n’y paye pas les droits non plus qu’à Lyon, et que la faiblesse de la municipalité en est en partie cause ; c’est un officier municipal qui nous écrit ainsi, brave homme, excellent citoyen qui se dégoûte fort des affaires, à cause de l’incapacité ou du peu de bonne volonté du plus grand nombre des agents. On ne paye guère à Villefranche même. Tous les employés à la perception des droits sont des criailleurs contre la Révolution qu’ils concourraient volontiers à faire manquer. Il faudra que vous nous mandiez le jour de votre arrivée à Villefranche, afin que nous vous y envoyions un cheval ; on ne peut venir jusqu’ici en voiture à deux roues sans risquer de verser[3] ; demandez au frère de La Page[4].

  1. Voir Mémoires, II, 114-118 et Lettres Cannet, 3 juin 1775.
  2. Les Roland avaient gardé des relations à Amiens, d’abord avec M. d’Eu, qui continuait à collaborer au Dictionnaire des manufactures, mais surtout avec Flesselles et Delamorlière. C’est de ce dernier qu’il est question ici. (Voir App. I.)
  3. Nous avons déjà vu (lettre du 12 mai 1786) comment les Roland faisaient les deux lieues qui séparaient le Clos de Villefranche.

    Une lettre de Roland à Bosc, du 18 septembre [1786], nous décrit une de leurs chevauchées :

    « … La mère et la fille, liées ensemble sur un âne, ont failli se casser le cou et se noyer ensemble. La bête a échappé, l’enfant s’est effrayé, il a tout entraîné et tout a versé dans la rivière, sur le bord de laquelle cheminait la caravane. J’étais à cheval derrière ; je n’ai fait qu’un saut ; mais le temps à soulever, à désunir d’un ruban de soie noué et mouillé, puis à tirer l’enfant se croyant perdu et criant à tue-tête ; la mère, le poignet foulé, le corps meurtri et mouillé ; gros cailloux au fond et environ un pied d’eau ; on est accouru ; de bonnes gens on fourni de quoi changer l’enfant ; j’ai affublé la mère de ma redingote ; nous n’étions qu’à moitié chemin, nous avons gagné le gîte ; grand feu, changé, couché, etc… Reste quelques douleurs et de la brisure ; mais, à cela près, bon pour une et passons outre… »

  4. Nous ne savons ce que cela signifie.