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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

passer d’un gouvernement sous un autre, sans le consentement explicite, librement affirmé, de sa population. Il s’agit de faire justice des maximes odieuses qui ont trop longtemps pesé sur le monde esclave et que, récemment encore, le professeur Lasson osait répéter, comme une menace prochaine, dans son cynique catéchisme de la Force (Das Kulturideal und der Krieg)[1].

Et il faut que ce principe soit posé, tout de suite, sans attendre. Si l’on remettait, pour le proclamer, au moment où, la guerre finie, se réunira le Congrès des puissances, on serait suspect de vouloir faire servir la justice au profit du vaincu. C’est à présent, où les forces des deux partis sont égales, qu’il faut établir ce droit primordial, qui plane au-dessus de toutes les armées.

De ce principe découle une application immédiate. Puisque l’Europe tout entière est bouleversée, qu’on en profite pour faire de l’ordre dans cette maison malpropre. Depuis longtemps on y a laissé s’accumuler les injustices. C’est le moment de les réparer, quand viendra l’heure de la liquidation de comptes générale. Notre devoir, à tous ceux d’entre nous qui ont le sentiment de la fraternité humaine, est de rappeler alors les

  1. « Laisser un peuple, dit-il, ou à plus forte raison une fraction d’un peuple décider de questions internationales, par exemple son attribution à tel ou tel État, équivaudrait à faire voter les enfants d’une maison sur le choix de leur père. C’est le mensonge le plus frivole que jamais tête welsche ait inventé. »