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LE MEURTRE DES ÉLITES

élan religieux, dans les lettres d’un soldat allemand à un professeur de la Suisse allemande : — (nous en avons eu connaissance, depuis trois à quatre mois, à l’Agence des prisonniers, et elles ont été publiées dans Foi et Vie, no du 15 avril[1]. On a fait le silence sur elles. Nous insisterons donc. Elles en valent la peine). — Dans ces lettres, qui vont de la deuxième quinzaine d’août à la fin de décembre, on voit, dès le 25 août, chez les troupes allemandes, le désir de la paix :

Nous tous, même ceux qui au début furent les plus acharnés à la lutte, nous ne désirons plus aujourd’hui que la paix, nos officiers aussi bien que nous… Tout convaincus que nous soyions de la nécessité de vaincre, l’enthousiasme guerrier n’existe pas chez nous ; nous remplissons notre devoir, mais le sacrifice est dur. C’est notre âme qui souffre… Je ne puis dire les souffrances que j’endure…


20 septembre. Un ami m’écrit : « Le 20 et le 25 août, j’ai pris part à de grandes batailles : depuis, je souffre moralement jusqu’à épuisement complet, tant physique que psychique. Mon âme ne trouve plus de repos… Cette guerre nous révélera combien de la brute réside encore dans l’homme, et cette révélation nous fera faire un grand pas hors de l’animalité : sinon, c’en est fait de nous. »

28 novembre. (Une admirable page, où l’on croirait entendre la voix du vieux Tolstoï.) Que sont tous les harassements de la guerre, comparés aux pensées

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