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LE MEURTRE DES ÉLITES

de toute notre âme… Ils parlent d’une guerre sacrée… Moi, je ne connais pas de guerre sacrée. Je ne connais qu’une guerre, celle qui est la somme de tout ce qui est inhumain, impie, bestial dans l’homme, et qui est un châtiment de Dieu et un appel à la contrition pour le peuple qui s’y jette ou s’y laisse entraîner. Dieu envoie les hommes à travers cet enfer, afin qu’ils apprennent à aimer le ciel. Pour le peuple allemand, cette guerre me semble un châtiment et un appel à la contrition, — et en premier lieu, pour notre Église allemande… J’ai des amis qui souffrent à l’idée de ne pouvoir rien faire pour la patrie. Qu’ils restent chez eux avec la conscience bien tranquille ! Tout dépend de leur œuvre pacifique. — Mais les enthousiastes de la guerre, qu’ils viennent ! Peut être qu’ils apprendront à se taire…


Pourquoi publier ces pages ? me demanderont quelques-uns, en France. À quoi bon, quand la guerre est lancée, attirer la pitié sur des adversaires, au risque d’émousser l’ardeur des combattants ? » — Je répondrai : Parce que c’est la vérité, et parce que cette vérité légitime notre jugement, le jugement de l’univers contre les chefs de l’Allemagne et contre leur politique. Ce que leurs armées ont fait, nous le savons ; mais qu’elles l’aient pu faire, avec des éléments comme ceux dont nous venons d’entendre les confessions, incrimine encore plus leurs maîtres. Du fond des champs de