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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

rer ses promesses écrites, trahir ses serments donnés, violer la neutralité des peuples qu’elle a juré de défendre. Mais elle prétend, en retour, trouver dans les peuples qu’elle outrage « de chevaleresques adversaires » ; et que cela ne soit pas et qu’ils osent se défendre, par tous les moyens et les armes qui leur restent, elle le proclame un crime !…

On reconnaît bien là les enseignements intéressés de vos maîtres prussiens ! Artistes d’Allemagne, je ne mets pas en doute votre sincérité ; mais vous n’êtes plus capables de voir la vérité ; l’impérialisme de Prusse vous a enfoncé sur les yeux et jusque sur la conscience, son casque à pointe.

« Nécessité ne connaît pas de loi. »… Voici le Onzième Commandement, le message que vous apportez aujourd’hui à l’univers, fils de Kant !… Nous l’avons entendu plus d’une fois, dans l’histoire : c’est la fameuse doctrine du Salut Public, mère des héroïsmes et des crimes. Chaque peuple y a recours, à l’heure du danger ; mais les plus grands sont ceux qui défendent contre elle leur âme immortelle. Il y a quelque quinze ans, lors de ce fameux procès où l’on vit opposé un seul homme innocent à la force de l’État, nous l’avons, nous Français, affrontée et brisée, l’idole du Salut Public, quand elle menaçait, comme disait notre Péguy, « le salut éternel de la France ».

Écoutez-le, celui que vous venez de tuer,