Page:Rolland - Au-dessus de la mêlée.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

23
AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

dans le monde. Nous aurons dissipé le cauchemar du matérialisme de l’Allemagne casquée et de la paix armée. Tout cela aura croulé devant nous comme un fantôme. Il me semble que le monde respire. Rassurez votre Viennois[1], cher ami : la France n’est pas près de finir. Nous voyons sa résurrection. Toujours la même : Bouvines, croisades, cathédrales, Révolution, toujours les chevaliers du monde, les paladins de Dieu. J’ai assez vécu pour voir cela ! Nous qui le disions depuis vingt ans, quand personne ne voulait nous croire, nous avons lieu d’être contents… »


Ô mes amis, que rien ne trouble donc votre joie ! Quel que soit le destin, vous vous êtes haussés aux cimes de la vie, et vous y avez porté avec vous votre patrie. Vous vaincrez, je le sais. Votre abnégation, votre intrépidité, votre foi absolue en votre cause sacrée, la certitude inébranlable qu’en défendant votre terre envahie vous défendez les libertés du monde, m’assurent de votre victoire, jeunes armées de Marne-et-Meuse, dont le nom est gravé désormais dans l’histoire, à côté de vos aînées de la Grande République. Mais quand bien même le malheur eût voulu que vous fussiez vaincus, et la France avec vous, une telle mort eût été la plus belle que pût rêver une race. Elle eût couronné la vie du grand peuple des croisades. Elle eût été sa suprême victoire… Vainqueurs ou vaincus, vivants ou morts, soyez heureux !

  1. Allusion à un écrivain viennois qui m’avait dit, quelques semaines avant la déclaration de guerre, qu’un désastre de la France serait aussi un désastre pour les penseurs libres d’Allemagne.