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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/146

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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

grand artiste, il est adéquat à ce qu’il dit. Si donc ce quil dit est nouveau, il faut que n’ait pas su voir celui qui n’a pas reconnu l’originalité de la forme employée. Et ce que je reproche le plus à la critique formaliste, en général, n’est pas de s’attacher uniquement à la forme, mais de s’y attacher étroitement, comme le ver à l’écorce, sans rien voir au delà du lambeau de détail qu’elle ronge. La grande critique des formes esthétiques sait embrasser l’ensemble de l’œuvre et de l’esprit créateur. Et (tout en le regrettant), je lui reconnais le droit de se passer de l’élément émotif et de l’analyse intuitive des sentiments inspirateurs. Car elle s’élève à des régions de l’esprit, où la forme n’est plus seulement un mécanisme extérieur, mais un organisme supra-individuel, qui se confond avec la Loi de la « Natura Naturans » et avec ses profondes harmonies. J’en connais deux exemples parmi les modernes commentateurs de Beethoven : Heinrich Schenker et August Halm. Tous deux, dans leurs études, se limitent, de parti pris, à la forme pure ; mais elle leur est la clef de l’esprit. Halm, qui est loin d’admirer, comme Schenker, Beethoven sans réserves, et même qui, curieusement, ne cache point une antipathie de sentiment, mêlée au loyal hommage de l’intelligence, contrainte de reconnaître la grandeur souveraine — ne s’est pas un instant trompé sur la supériorité de Beethoven, marquée dès ses premières œuvres. Et, beaucoup moins frappé de la force des passions que de celle de la raison, cet homme qui, je le répète, avoue qu’il n’a jamais vraiment aimé Beethoven et qu’il a éprouvé toute sa vie, le désir instinctif d’être injuste envers lui —• met en pleine lumière « l’étonnante discipline de soi, l’intellim