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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/205

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BEETHOVEN

L’esprit chemine... Se dessine un paysage intérieur 1 , la joie de Pair, du libre essor, et Beethoven dans les champs} pénétré d’une religieuse émotion. Tous les motifs principaux, et ceux de l’air, et ceux du cœur, les vibrations de la nature et la pieuse contemplation, sont enregistrés déjà sur le papier, avec quelques-unes de leurs plus fines modulations. Ensuite, l’affaire de l’esprit sera de les organiser. Et, comme toujours, par le miracle beethovenien, la rédaction finale aura non seulement l’unité maîtresse, mais une fraîcheur de touche et un duvet, que les premières pousses n’avaient point. Plaisir exquis, pour qui sait lire et savourer, de suivre le développement, si naturel que l’on oublie la peine qu’il a coûté, de ce poème du ciel et de la terre. Battements d’ailes, trilles d’oiseaux, sillages de vols sur les ondes de l’air limpide, — ces frôles motifs, transfigurés, remplissent de leur bourdonnante ornementation le beau tableau, dont la joie sainte de l’esprit, qui s’élargit jusqu’au choral d’un peuple en face de l’Eternel, est le foyer et le support. Rien n’est laissé au hasard : ces dimensions inusitées, ces larges périodes, le grossissement des proportions, et le contenu qui déborde, ne trompent point sur la sûreté de la main : elle mène la barque, droit au but, des premiers jets à l’embouchure, dans la Coda bruissante de toute la vie d’un jour de lumière, que clôt l’hymne de l’âme-univers.

1. Bien entendu, rien d’analogue aux paysages des peintres !.., a Mehr Ausdrück der Empfindung als Mahlerey.. » (« Plus expression du sentiment que peinture., ») Notations d’âme, non des yeux.