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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/338

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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

tralion forcenée », qui en est la caractéristique et qui le distingue de tous les musiciens de son temps. Je l’avais mis en lumière dans mon discours de commémoration à Vienne 1 : « Chez aucun musicien, celte étreinte de la pensée n’est plus violente, plus continue, plus invincible que chez Beethoven. .. Toutes ses compositions portent l’empreinte d’un extraordinaire parti-pris d’unité... Son œuvre entier est marqué au sceau d’une volonté de fer. On sent le regard de l’homme qui s’enfonce dans l’idée avec une fixité terrible. ■—- Et ce n’est pas seulement, comme on pourrait le croire, le fait du solitaire muré en soi par la surdité, que ne vient plus troubler aucun bruit extérieur. Bien avant la surdité, le même irait s’accuse... 1 2 C’est une disposition de nature. Dès l’enfance, Beethoven s’absorbe dans sa vision intérieure, cette vision sans yeux, de tout le corps et l’esprit à la fois. Quand l’idée l’a frappé soudain, en pleine rue, au milieu d’une promenade ou d’une conversation, il a, comme il disait, un « raptus » (un transport), il ne s’appartient plus, il appartient à l’idée, il n ? la lâche plus, qu’il ne l’ait possédée. Rien ne le distrait de la poursuite. Il a décrit à Bettine, en des termes hallucinés, celle chasse effrénée. « ... Je la poursuis, je l’étreins, je la vois fuir et se perdre dans la masse bouillonnante. Je la ressaisis avec une passion renouvelée, je ne peux plus m’en séparer ; il me faut la multiplier dans un spasme d’extase, 1. Pour le centenaire de Beethoven, 28 mars 1927 (publié dans le Feslbcrichl du Beelhoven-Zentenarjeier, Vienne 1927, et dans la Revue Musicale d’avril 1927). — Cf. Cliap. 1 de ce livre. 2. J’en citais quelques témoignages, dans ses œuvres de jeunesse, antérieures au départ de Bonn.