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BEETHOVEN

si le Destin n’avait trouvé qu’un faible, un faux grand homme, pour ployer le dos sous la charge… Oui bien ! Il a rencontré quelqu’un de sa taille, qui « l’empoigne à la gueule »[1] qui s’est colleté sauvagement avec lui, toute la nuit jusqu’à l’aube — la dernière — et qui, mort seulement, a dù toucher la terre des deux épaules, mais qui, mort, est porté, vainqueur, sur le pavois. Celui qui, de sa misère, a fait une richesse, et de son infirmité, la baguette magique qui ouvre le rocher.

Revenons à son portrait, en cette heure décisive où le Destin va entrer. Savourons lentement la jouissance cruelle du combat dans l’arène, entre la Force sans nom et l’homme au mufle de lion !…

Cet Uebermensch, au-dessus duquel s’amasse l’orage (les sommets appellent la foudre) est marqué, comme de la petite vérole* des caractères moraux du temps : l’esprit de révolte, la torche de la Révolution. Dès l’époque de Bonn, ils se sont affirmés. Le jeune Beethoven, étudiant, a suivi, à F Université de 1789, les cours d’Euloge Schneider, le futur accusateur public du département du Bas-Rhin. Quand on apprend, à Bonn, la prise de la Bastille, Schneider lit en

1. « Ich will dem Schicksal in den Rachen greifen… » (Beethoven à Wegeler, 16 novembre 1801),

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