ensemble, est beaucoup moins frappé des traces d’émotion sur son visage que de son impassibilité :
« Il était difficile, même impossible, de déchiffrer sur ses traits les signes d’approbation ou de mécontentement (quand il entendait une œuvre musicale) ; il restait toujours le même, en apparence froid et renfermé dans ses jugements. L’esprit travaillait sans repos, au dedans ; l’enveloppe animale était comme un marbre sans âme. »
Voilà un Beethoven inattendu de ceux qui l’imaginent sous les traits d’un Roi Lear dans la tempête ! Mais qui le connaît vraiment ? On s’est toujours contenté de quelque instantané…
En sa trentième année, il jouit, dans sa pensée, d’un équilibre formidable sur les éléments opposés. Si, en dehors de Part, il laisse volontiers ses passions débridées, en art, il leur broie la bouche avec le mors, et d’une poigne d’acier.
Aussi, improviser lui est une jubilation. Alors, il est aux prises avec l’imprévu du génie ; les forces subconscientes sont déchaînées ; il les lui faut dompter. Beaucoup des maîtres musiciens furent des maîtres improvisateurs ; ils l’étaient particulièrement en ce siècle xviii, où l’art, conservant encore la souplesse de ses jointures, cultivait la vertu de la libre invention. Mais ce public de connaisseurs, qui venait d’être gâté par Mozart, déclare unanimement que, sur ce terrain, nul n’égala Beethoven. Et ils sont d’accord pour dire que, dans tout l’art de Beethoven, rien n’approche de la puissance inouïe de ses improvisations[1].
1. « Qui n’a pas entendu Beethoven improviser ne connaît pas la
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