Ries affirme que Beethoven a composé (il veut dire t conçu et commencé)l’Héroïque, à Heiligenstadt. Or, Beethoven est rentré à Vienne, dès novembre. Il faut donc admettre que la première idée du monument fit irruption en lui, au lendemain même de son Testament. Peut-être en achevait-il à peine les dernières lignes — l’adieu à la Joie[1] — que l’esprit de vie rejetait violemment la dalle du tombeau ; et l’éclair qui venait de frapper l’homme, rejaillit.
Nottebohm date d’octobre le début du Livre d’Esquisses[2]. Et dès les premières pages, apparaissent de petites esquisses des premier, deuxième et quatrième morceaux de l’Héroïque, — puis, quatre grandes esquisses de la première partie du premier morceau, chacune avec des variantes, une quantité de petites esquisses ; — et tout le reste suit. Le cerveau est envahi par la vision intérieure. Beethoven ne s’arrête plus, que l’œuvre ne soit achevée.
Mais quels coups sur l’enclume, et quelle pluie d’étincelles !
Il est à remarquer que la première grande esquisse, qui, d’un coup, dessine l’ensemble de la première partie du premier morceau, creuse le lit du courant, marque d un trait lourd et sûr la ligne de faîte, les cimes mélodiques, la suc¬
1. « Il y a si longtemps que l’écho profond de la vraie Joie m’est étranger ! Oh, quand, oh quand, Divinité ! pourrai-je la sentir de nouveau dans le temple de la Nature et des hommes ! — Jamais ?… Non ! — Oh ce serait trop cruel !… » (dernières paroles du Testament).
2. Tout est écrit à l’encre, donc écrit à la maison, dans les jours d’hivernage.