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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/197

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GŒTHE MUSICIEN

mier mouvement fut de les repousser. Ainsi, du Roi des Aulnes. Comment s’en étonner ? Goethe se place, naturellement, de son point de vue de poète[1] : il a écrit un chant naïf de simple lavandière, qui le gazouille presque sans y penser ; ce chant tisse autour d’elle et de son travail une atmosphère de poésie populaire… On lui apporte un mélodrame halluciné de théâtre romantique, où la tempête se déchaîne… Il est agacé de la disproportion de ces éclairs et de ces tonnerres avec son idylle champêtre. Il y voit inintelligence et boursouflure. Il hausse les épaules… On entend ricaner Zelter, à propos de Beethoven :

— « Ces gens qui prennent la massue d’Hercule, pour écraser une mouche ! … »

S’il est un vice artistique que Gœthc ne peut supporter, c’est le : « Pas à sa place !… » — « Non erat is locus… »

Mais tout en grommelant, s’il lui plaît, contre

  1. Dans les liedcr dont il fait écrire (pourrait-on dire) la musique sous sa dictée, il exige que la musique se calque sur les moindres détails de la coupe du texte — division en vers et en strophes, ponctuation, déclamation. Quand la poésie est à plusieurs strophes, il exige le maintien de la même mélodie, pour toutes les strophes : ce sera au chanteur d’en varier l’expression. Encore en 1822, à propos d’un lied de Tomasehek qu’il approuve, sur son « Kennst du das Land ? » il exhale son mécontentement quo Beethoven et Spohr aient désobéi à ses indications pour le retour strophique de la mélodie. Là où il écrit un lied, il ne permet pas une Arie.