Mais ce même jour, dans une lettre d’affaires à ses éditeurs, il s’interrompt, il écrit : « Gœlhe ist hier ! » (« Goethe est ici ! 1 ») Son cœur a sursauté...
Gœthe agit noblement. Ce fut lui qui vint le premier (dimanche 19 juillet). Et lui aussi, comme Bettine, comme tant d’autres, il fut, du premier regard, subjugué. Il écrit, le même jour, à sa femme :
« Zusammengefasster *, energischer, inniger habe ich noch keinen Künstler gesehen. » (« Je n’ai jamais vu encore aucun artiste plus puissamment concentré, plus énergique, plus intérieur. 1 2 3 * * * * 8 ») Ce n’est pas peu ! Dans toute son existence, Gœthe n’a jamais consenti à un autre homme un tel aveu de supériorité.
Quelle vue profonde ! La torrentielle énergie, un surhumain pouvoir de se concentrer, la mer intérieure... L’œil de Gœthe, ce grand œil ouvert sur l’univers, plus libre, plus vrai, plus pénétrant 1. Goethe était arrivé, le 14.
2. D’autres lectures (Thayer) donnent : « susammcngeraffter », qui est encore plus énergique.
3. La traduction précise est extrêmement difficile, car les mois sont chargés de sens : « zusammengefasster » et, plus encore : « zusammengeraffter » évoque l’idée d’une tension puissante des forces pour se concentrer ; et « inniger », la possession du monde intérieur. Gœthe ajoute : « Je comprends très bien la nécessité de son altitude extraordinaire à l’égard du monde. » (a Ich begreife recht gut, wie der gegen die Welt wunderlich stehen muss. ») Et ceci, non plus, n’est pas, de la part de Gœthe, une acceptation de peu d’importance. (Lettre à Christiane, 19 juillet 1812),