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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/99

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GŒTHE ET BEETHOVEN

menaient ensemble, salués à chaque pas, et Gœthe manifestant, avec quelque suffisance, sa fatigue de ces importunités, Beethoven lui dit, malignement :

— « Que Son Excellence ne s’en fasse pas ! Peut-être que c est pour moi. »

On devine le gros rire du vieil enfant, ravi de la niche qu’il vient de jouer à l’Excellence ! Et lorsqu’il a bien ri, l’affaire est oubliée... Oui, mais la bonne plaisanterie fait le tour du pays et revient au destinataire. Et Gœthe ne rit pas. Et encore moins, les siens, ses trabans 1... L’année précédente, Beethoven s’était lié d’amitié, à Teplitz, avec le jeune lieutenant Varnhagen von Ense et avec sa « passion », Rahel, dont le beau visage lui avait rappelé des traits qui lui étaient chers 1 2. Dans l’Olympe germanique, où Bettine jouait le rôle d’une petite Hébé effrontée, s’asseyant sur les genoux, et buvant, mouche à miel, dans la coupe de Jupiter, Rahel était Minerve, sortie de la tête du dieu, et qui monte la garde au pied du trône, veillant d’un 1. C’est au retour, chez lui, à Weimar, qu’il trouve la grossière lettre de Zelter, insultante pour Beethoven, — que j’ai citée plus haut. Dans les dispositions où se trouvait Gœthe. elle a dû avoir un effet meurtrier.

2. Cette ressemblance avait fait sortir de sa solitude le vieil ours des bois. « Der wildc Mann » (l’homme sauvage), qui refusait toutes les invitations, était venu jouer chez Rahel, une aprèsmidi. Mais le sourd jouait devant des sourds. Sa musique comptait peu pour Rahel,