Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
BEETHOVEN

Mais ce dualisme psychologique, qui peut s’adapter assez exactement à l’analyse technique du morceau[1], et dont le commentaire serait, je crois, assez bien selon l’esprit de Beethoven interrogé par Schindler, ne suffit pas à rendre compte de l’exubérante vie de l’Allegro. Nous pourrons nous satisfaire de telles explications, dans l’analyse de morceaux psychologiquement plus définis, comme l’Adagio. Mais ici, c’est à la fois trop, et trop peu. — Trop, parce qu’en fait c’est toujours la même personnalité qui s’exprime. Trop peu, parce que cette personnalité est infiniment trop riche, pour qu’on la réduise à l’opposition de deux seuls principes.

Ce qui nous frappe le plus, en ce premier morceau de la Sonate, c’est son abondance symphonique : elle se traduit, à la fois, par l’ampleur des formes, les dimensions absolument inusitées, tenant beaucoup plus de la grande symphonie que de la sonate[2], — et par l’afflux des pensées. D’un bout à l’autre, on sent une exaltation des forces,

  1. Notre commentaire suit d’assez près les divisions et subdivisions, indiquées par Vincent d’Indy, dans son Cours de Composition (t. II). Celles-ci sont exactes, mais mécaniques. Elles rendent compte du « rythme de l’esprit » de Beethoven, de son mécanisme cérébral. Elles se taisent sur le mouvement de passions, qui se coule sous ces formes, toujours partiellement inadéquates à l’« obscure clarté » de la libre vie intérieure.
  2. L’Appassionata compte 254 mesures, subdivisées en 72 pour la première partie, 64 pour la Durchführung, 70 pour la Réexposition, 50 pour la Coda.

    L’op. 106 compte 406 mesures, dont environ 125 pour la première partie, 103 pour la Durchführung, 122 pour la Réoxposition, 56 pour la Coda.