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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/300

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BEETHOVEN

Qui veut entrer dans la confidence de cette profonde Confession, doit se garder de la mesurer à l’aune pédagogique, dont un maître comme Vincent d’Indy, pourtant bien fait pour la comprendre, use pour ses écoliers. L’analyse grammaticale qu’il a dictée de cet immense Adagio, qu’il ramène au « type lied-Sonate », ne rend pas compte de son essence. L’aspect fondamental, inoubliable, de cette soi-disant « phrase-lied », c’est sa structure architecturale et son majestueux balancement, — un ordre de colonnes, avec leur architrave, leur frise et leur corniche, en mouvement. — Vu du dedans, c’est une puissante méditation passionnée (Appassionato, e con molto sentimento)… Beethoven n’a pas craint ici d’appuyer sur le « sentiment », malgré le dédain qu’il avait professé pour lui, dans ses entretiens de naguère avec Goethe[1].

La grande phrase, monumentalement étagée, se met en marche. Elle est ample, solide, et paraît, malgré sa passion intérieure, fermement disciplinée, jusqu’à la treizième mesure, où elle échappe à la volonté, dans une modulation accidentelle de sol dièze à sol naturel, qui laisse issue à un

  1. Conversation du 23 juillet 1812, à Teplitz (cf. mon Gœthe et Beethoven, pp. 87-88).

    Beethoven multiplie, dans cet adagio, les indications « sentimentales ». Il n’y a pas moins de trois « espressivo », deux « molto espressivo », deux « con grand’espressione ».

    Remarquez, de plus, l’indication métronomique : croche = 92. — Quelque tentation que l’on en ait, il ne faut pas jouer l’adagio trop lentement. La passiou brûle, au fond. Il est toujours en mouvement.