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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/305

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

elle se dirige, à son insu, vers les calmes profondeurs du ton clair de ré majeur.

À cette occasion, observons la superposition, dans l’esprit créateur, de la libre émotion qui va sa route, sans en savoir les étapes et le terme, — et de la volonté réfléchie de l’artiste, qui construit, d’après son plan. Il est très difficile d’expliquer à un non-créateur comment ces contradictions non seulement s’harmonisent, mais constituent, par leur accouplement indispensable, la substance et la charpente vivante de toute grande œuvre. Si l’une des deux forces subsistait seule, il n’y aurait, ou bien qu’un squelette de conservatoire, ou bien qu’une masse amorphe et anarchique. Il faut cette union consubstantielle du conscient et du subconscient, — du front qui pense et des viscères.

À la mesure 45, entre, dans l’action, ce que Vincent d’Indy appelle : « le thème secondaire en ré ». Et je sais bien, encore une fois, que c’est là une expression d’analyse logique, pour une classe. Mais comme elle risque de fausser, dans l’esprit des élèves, le sens profond de l’œuvre ! Car le moment rp qui vient est souverain.

Ici encore, je ne pense pas qu’Alfred Cortot l’ait parfaitement saisi. Il semble croire que l’important ici, c’est la main gauche. « La main droite, dit-il, exprime des pensées émouvantes, mais dans un timbre faible et placide ». — Mais justement, il faut comprendre pourquoi ce calme (qui n’est ni faible, ni placide) de la voix qui sort des profondeurs. Je n’ai besoin d’aucun effort d’imagination extra-musicale, pour la reconnaître : (le mécanisme de la pensée Beethovenienne n’est pas très varié ; il est seulement — et d’autant