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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/590

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BEETHOVEN

elle s’exaspère, par une montée violente et cahotante, qui hausse la voix, qui s’accélère, et qui finit en tourbillon frénétique, où 1 on ne sait pas ce qui se marie à la fureur, de rude humour. On a la vision de l’homme qui s’emporte contre le chaos de son esprit, où s’entremêlent les fantaisies et les soucis.

A ces fragments de soliloques, qui nous font jeter, par la lucarne, un bref regard dans la pensée du solitaire, j’ajouterai le Clavierstück de 1818, qui est la plus nuancée de ces Confessions, et la plus remarquable par la finesse hardi3 de son écriture harmonique. Comme très peu d’amis de Beethoven la connaissent (car elle ne se trouve point dans les éditions courantes des morceaux pour piano), je crois qu’ils auront plaisir à la voir ici reproduite. C’est une page du Journal intime, dont le sentiment flotte, ambigu, tendre, troublé, entre le doute et la confiance. L’émotion est si instable qu’elle se modifie, au cours d’une phrase. Mais ces changements s’opèrent toujours avec une extrême délicatesse. On dirait des ondes de sentiment — une rougeur, une pâleur — qui passent sous la peau. Le petit poème a été écrit « dans Vaprès-midi du lé août 1818, sur invitation 1 ». Et notre pensée se reporte à une note du Journal :

1. On pourrait en rapprocher cet autre Allegretto, écrit aussi « sur invitation », « le 18 février 1821 », que Theodor von Frimmel a reproduit en facsimile dans son livre sur Beethoven (Berlin, 1901, Harmonieverlag), p. 62. La phrase initiale n’est pas sans parenté avec celle du Clavieridiick, bien que le développement harmonique et la carrure