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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/41

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LES DERNIERS QUATUORS

âgé 13 ans[1]. » — Mais en dehors du fait que la sévère critique de Beethoven ne les jugea point dignes de figurer au catalogue de ses œuvres[2], il s’agit là de « quatuors accompagnés », avec clavier. Et c’est, nous allons le voir, non pas seulement un genre, mais un monde de pensées tout différent du quatuor à cordes (Streichquartett), sans accompagnement.

Au temps du jeune Beethoven, le principe qui régissait toute la Kammermusik était celui d’art d’agrément. On ne lui demandait pas de penser et faire penser. On lui demandait de plaire à l’oreille, et (Mozart avait ajouté) au cœur. Il s’agissait, non d’enchaînement des motifs en continuelle évolution ou en conflit, mais d’agencement des beaux sons. Les cordes, les bois et le clavier se livraient ensemble à un jeu, qui devait être clair, facile, plaisant, pas ennuyeux, fait pour fleurir les entretiens et les repas de bonne société. Et, dans ce groupe de Musikanten, le virtuose était roi. Les autres faisaient les accompagnants.

Le jeune Beethoven était virtuose sur le clavier, — le premier des pianistes de Vienne, avant 1800. Ses improvisations surtout étaient « stupéfiantes ». Karl Czerny, qui était, mieux que quiconque, à même d’en juger, dit qu’on ne peut

  1. En réalité, il avait quinze ans. — L’œuvre porte le no 9 dans la liste des compositions, dressée par Ludwig Schiedermair, dans « Der junge Beethoven », 1925, Leipzig, — le no 12 dans le catalogue chronologique de « La jeunesse de Beethoven », par J. G. Prod’homme, 1927, — p. 142 du Thematisches Verzeichniss de G. Nottebohm.
  2. Il en a pourtant repris certains matériaux, — en particulier, le beau et pur adagio du quatuor en ut majeur, no 3, qu’il a transporté dans sa première sonate pour piano, op. 2, — cette fleur immaculée des premiers rêves, ce perce-neige : je crois y voir l’enfant Beethoven, perdu dans ses songes, à la fenêtre du grenier, dans le joli récit de Fischer.