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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/43

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LES DERNIERS QUATUORS

fin[1] : c’est ainsi souvent chez les jeunes gens, ils n’aiment pas à laisser voir leurs émotions ; et ils les voilent sous une brusquerie qui rudoie l’objet de leur culte caché ou d’un attendrissement dont ils ont honte. — Mais l’impression produite sur le garçon de quinze ans avait été bouleversante.

Le prince-électeur de Bonn. Maximilien Franz, arrivé de Vienne en 1784, très musicien, était en relations personnelles avec Mozart, qu’il idolâtrait[2]. Faute de pouvoir le faire venir à Bonn, il y fit venir sa musique. À l’opéra, où le petit Beethoven était altiste dans l’orchestre, on donna l’Enlèvement au Sérail (1789, 1791, 1792), Don Juan et Figaro (1789-1790), La Flûte Enchantée (1793). Et ses œuvres de musique de chambre étaient répandues. Schiedermair a montré combien Beethoven avait lu de près ses sonates pour clavier et violon[3], et quelle influence elles ont eue sur ses quatuors de 1785. Comme il le dit, « le jeune garçon a été enflammé par ce monde nouveau de sentiments ; et les puissances secrètes de sa nature en furent déchaînées[4]. »

Ce n’étaient encore que les premières étincelles du feu qui plus tard allait se lever ; et certes, sa violence effrénée dépassa

  1. « De tout temps, écrivait-il, le 6 février 1826, à l’abbé Stadler, au sujet du Requiem, je me suis compté parmi les grands admirateurs de Mozart, et je le resterai jusqu’à mon dernier souffle de vie. »

    Il en fut de même pour Haydn, qu’il traitait avec un sans-façon non exempt de rancune, quand il était jeune, et dont il parlait, sur son lit de mort, les larmes aux yeux.

  2. Mozart le savait (Cf. ses lettres du 17 novembre 1781 et du 23 janvier 1782) : « Je puis bien dire que j’ai tout crédit auprès du prince. S’il était prince-électeur de Cologne, je serais son Kapellrneister ».
  3. Cf. la Sonate pour violon en sol majeur et la Sonate en mi bémol majeur (nos 379 et 380 de Kœchel), parues en 1781.
  4. Surtout dans l’allegro con spirito en mi bémol mineur du Prenne* quatuor.