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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/53

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LES DERNIERS QUATUORS

sants que la Pathétique. On peut penser qu’il scandalisa les Haydeniens, qui avaient déjà conspué le plus beau trio du groupe de l’op. 9, le no 3 en ut mineur, dont la passion effrénée est sœur de celle du quatuor ; mais l’adagio s’élève à des cimes plus hautes[1].

Le curieux, c’est que Beethoven lui-même se soit montré moins irrité des critiques qu’agacé de l’engouement que montra le grand public pour ce quatuor révélateur. À qui lui parlait de son succès, il dit, impatienté : — « C’est de l’ordure (« Dreck »). Bon pour le cochon de public !… » — Sans doute, était-ce un sentiment analogue qui le faisait entrer sn fureur contre les auditeurs, qu’il voyait pleurer d’émotion k ses concerts de piano. Il était dans cet âge de jeunesse, où l’on ne fait point cas de l’émotion, quoiqu’on en soit (parce qu’on en est) gorgé. On se fait fort de mépriser la sentimentalité, et l’on vise à l’objectivité. Il est probable que Beethoven se fût défendu avec irritation d’exprimer ses propres passions ; il eût prétendu, comme dans l’Adagio du no 1, les mettre au compte des Amants de Vérone. Même quand il


    Szene im Grabgewölbe aus Romeo und Julia gedacht »). Et sur une esquisse inutilisée, pour la conclusion de l’adagio, Beethoven avait écrit, en français ; « Les derniers soupirs ».

    [partition à transcrire]

  1. Dolezalek, admirateur fidèle de Beethoven, raconte que Kozeluch lui arracha le trio des mains, pour le piétiner, sous les yeux de Haydn, à qui il dit : — « N’est-ce pas, papa, nous aurions fait autrement ! » — Et Haydn, souriant ; — « Oui, nous aurions fait ça autrement. »