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BEETHOVEN

Il évoque avec émotion et gaucherie ses souvenirs de jeunesse :

— « Que l'on ait dû se séparer les uns des autres, c'était dans le cours fatal des choses : chacun a dû suivre sa vocation et tâcher d’atteindre son but. Mais les assises éternellement inébranlables du bien nous ont toujours tenus ensemble... Mon ami aimé !... Le souvenir du passé m’étreint, et tu ne liras pas cette lettre sans bien des larmes. A bientôt, maintenant, une autre lettre ! Et plus souvent tu m écriras, plus tu me feras plaisir... Embrasse pour moi ta chère Lorchen et ses enfants, baise-les bien, et pensez à moi ! Dieu soit avec vous tous ! — Comme toujours ton fidèle vieil ami, qui t’honore. » Dans cette lettre, où Beethoven rappelait à son ami, avec orgueil et naïveté, les principaux succès de sa carrière, il demandait pardon de ne pas écrire plus longuement, car il était « bettlägerig » (alité) et souffrant. Cette indication s’accorde avec un diagnostic, assez pessimiste, que donnait de lui en ce même temps Stefan von Breuning, probablement d’après ce que Beethoven lui avait écrit de son état1. Mais ce n’était encore qu’une menace sourde, à laquelle ni Beethoven, ni ceux qui l’entouraient ne prêtèrent assez d’attention. Sa vie restait active ; et son jeune valet, Michael Krenn, rend compte de son emploi du temps :—A 5 h. 1 /2, il était levé et se mettait au travail, à grand fracas, chantant, grondant, tapant des pieds et des 1. Breuning diagnostiquait la menace d’hydropisie.