Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/101

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Faire perdre le temps ! Çà, déguerpis. Et tiens, emmène-moi aussi ce petit chien sans queue, qui traîne dans mes jambes, ta Glodie, oui, qui vient de se faire chasser encore du fournil et de fourrer ses pattes, je gage, dans la pâte (elle en a sur le nez). Ouste, filez tous deux, laissez-nous, marmousets, laissez-nous travailler, ou je prends mon balai…

Elle nous mit dehors. Nous partîmes tous deux, bien contents ; nous allâmes ensemble chez Riou. Mais nous nous arrêtâmes un peu, au bord de l’Yonne. Nous regardions pêcher. Nous donnions des conseils. Et nous avions grand-joie quand plongeait le bouchon, ou que du vert miroir l’ablette bondissait. Mais Glodie, en voyant à l’hameçon le ver, qui se tordait de rire, me dit, d’un petit air dégoûté :

— Père-grand, il a mal, il va être mangé.

— Eh ! ma mignonne, dis-je, sans doute ! Être mangé, c’est un petit désagrément. Il n’y faut pas penser. Pense plutôt à qui le mange, au beau poisson. Il dit : « c’est bon ! »

— Mais si c’était toi pourtant que l’on mange, père-grand !

— Eh bien, je le dirais aussi : « Je suis-t-y bon ! L’heureux coquin ! Ah ! quelle chance il a, le gaillard qui me mange ! »

Voilà, ma fille, voilà comment père-grand est : toujours content ! Mangeur, mangé, il n’est rien de tel que d’arranger la chose en sa cervelle. Un Bourguignon trouve tout bon.

En devisant ainsi, déjà nous nous trouvâmes (il