Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/129

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côté ! Elle enjambe une plate-bande, une autre, une autre encore, elle court, elle saute, attrape au vol une graine de pissenlit qui voguait mollement sur les ruisseaux de l’air, et, agitant le bras, elle crie, me regardant :

— Encore un amoureux de pris !

Ce disant, elle fourrait la barque duvetée, dedans l’entrebâillure de sa gorgeronnette, entre ses deux tétins. Moi, qui pour être un sot, ne suis pas de l’espèce des galants morfondus, je lui dis :

— Mettez-m’y aussi !

Lors, elle se mit à rire, et, les mains à ses hanches, droit en face, sur ses jambes écartées, elle me repartit :

— Ardez ce gros goulu ! Ce n’est pas pour tes babines que mes pommes mûrissent…

C’est ainsi que je fis, un soir de la fin d’août, connaissance avec elle, la Belotte, la Belette, la belle jardinière. Belette on la nommait, pour ce que comme l’autre, la dame au museau pointu, elle avait le corps long, et la tête menue, nez rusé de Picarde, bouche avançant un peu et bien fendue en fourche, pour rire et pour ronger les cœurs et les noisettes. Mais de ses yeux bleu-dur, noyés dans la buée d’un beau temps orageux, et du coin de ses lèvres de faunesse mignarde au sourire mordant, se dévidait le fil dont la rousse araignée tissait sa toile autour des gens.

Je passais maintenant la moitié de mon temps, au lieu de travailler, à béer sur mon mur, jusqu’à ce qu’entre mes fesses le pied de maître Médard vigoureusement