Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/183

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Je vais à mon établi, je me mets à bricoler, afin de me distraire ; mais je vous prie de croire que je n’avais guère la tête à ce que je fabriquais. Je pensais :

— Sotte bête ! Cela t’apprendra à faire le malin.

Mais en Bourgogne, nous ne sommes pas hommes à nous casser la tête sur ce qu’il fallait faire, le jour d’avant-hier. Nous sommes dans cette journée. Par saint Martin, tenons-nous-y ! Il s’agit de se défendre. L’ennemi ne m’a pas encore. Je songeai, un moment, à demander conseil à la boutique de saint Cosme (les médecins, vous m’entendez bien). Mais je n’eus garde, et n’en fis rien. J’avais, malgré mon trouble, suffisamment gardé du bon sens de chez nous pour me dire :

— Fils, les médecins n’en savent pas plus que nous. Ils prendront ta pécune, et, pour tout ton potage, ils t’enverront gésir dans un parc à pesteux, où tu ne manqueras point d’empester tout à fait. Garde-toi de leur rien dire ! Tu n’es pas fol, peut-être ? S’il ne s’agit que de mourir, nous le ferons bien sans eux. Et par Dieu, ainsi qu’il est écrit, « en dépit des médecins, nous vivrons jusqu’au trépas » .

J’avais beau m’étourdir et faire le flambard, je commençais à me sentir l’estomac remué. Je me tâtais ici, puis là, puis… Aïe ! cette fois, c’est elle… Et le pire, venue l’heure du dîner, devant une potée de gras haricots rouges, cuits dans le vin avec des tranches de salé (aujourd’hui que j’en parle, j’en pleure de regret), je n’eus pas le courage