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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/265

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XI

LA NIQUE AU DUC

Fin septembre.

L’ordre était revenu, les cendres refroidies, et l’on n’entendait plus parler de maladie. Mais la ville d’abord resta comme écrasée. Les bourgeois remâchaient leur peur. Ils tâtaient du pied le terrain ; ils n’étaient pas encore certains d’être dessus, et non dessous. Le plus souvent, ils se terraient, ou dans la rue, ils détalaient, rasant les murs l’oreille basse et la queue entre les jambes. Ah ! l’on n’était pas fier, on n’osait presque pas se regarder en face, et on n’avait pas joie à se regarder soi, soi-même, dans la glace : on s’était trop bien vu, on se connaissait trop ; et la nature humaine avait été surprise sans chemise : ça n’est pas beau ! On avait honte et méfiance. Pour mon compte, je n’étais pas très à mon aise : le massacre et le fumet de la grillade me poursuivaient ; et, plus que tout, le souvenir des lâchetés, des cruautés, que j’avais lues sur des visages familiers. Ils le savaient, ils m’en voulaient secrètement. Je le comprends ; j’étais gêné bien