Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/276

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Fiacre tout fleuri. Jardiniers, jardinières, portaient sur un brancard œillets et giroflées, roses enguirlandées autour de leurs chapeaux, des pioches, des râteaux. Leur bannière de soie rouge, représentant Fiacre, les mollets nus, et troussé jusqu’au cul, son gros orteil crispé sur la bêche enfoncée, claquait au vent d’automne.

La machine voilée s’ébranla, à la suite. Des fillettes en blanc, qui trottinaient devant, miaulaient des cantiques. Le maire et les trois échevins, des deux côtés, marchaient, en tenant les gros glands des rubans qui tombaient du haut du dais. Autour, saint Yves et saint Cosme faisaient la haie. Derrière, le suisse, comme un coq, dressé sur ses ergots, avançait son jabot ; et le curé, flanqué de ses abbés, l’un long ainsi qu’un jour sans pain, l’autre épais, aplati, comme un pain sans levain, chantait, tous les dix pas, de sa basse profonde, un bout de litanie, mais sans se fatiguer, laissant chanter les autres, remuant les babines, et, les mains sur son ventre, il dormait en marchant. Le gros du peuple enfin roulait, d’un seul morceau, d’une pâte compacte et molle, comme un flot gras. Et nous étions l’écluse.

Nous sortîmes de la ville. Droit au pré, nous nous rendîmes. Le vent faisait voler les feuilles des platanes. Sur la route, leur escadron galopait au soleil. Et la rivière lente charriait leurs cottes d’or. À la barrière, les trois sergents de la police et le nouveau capitaine du château firent semblant de nous défendre de passer. Mais à part le capitaine, frais émoulu, nouveau venu dans notre ville, qui prenait tout pour