Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/297

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moi, tout à loisir, que je m’obstinais à construire, en dépit du qu’en-dira-t-on, ma maison, et ricanant des beaux sermons de mes enfants…

Ahi ! Mais je ne ris pas le dernier… Un matin de la fin d’octobre, que la ville s’encapuchonnait sous les frimas et que luisait sur les pavés la bave d’argent du verglas, en montant à mon échafaud, je glissai sur un des barreaux, et paf ! je me trouvai en bas, plus vite que d’en bas je n’étais arrivé. Binet criait :

— Il s’est tué !

On accourait me relever. J’étais vexé. Je dis :

— Eh ! je l’ai fait exprès…

Je voulus me lever seul. Aïe ! la cheville, la chevillette ! Je retombai… La chevillette était cassée. Sur un brancard on m’emporta. Martine, auprès, levait les bras ; les voisines m’escortaient, se lamentant et commentant l’événement ; nous avions l’air d’un saint tableau : le Fils de Dieu, mis au tombeau ! Et les Maries ne ménageaient leurs cris, leurs gestes et leurs pas. Ils eussent réveillé un mort. Moi, je ne l’étais pas, mais je feignis de l’être : c’était le mieux pour ne pas recevoir cette pluie sur mon dos. Et l’air doux, immobile, la tête renversée et la barbe tendue en pointe vers là-haut, je rageais dans mon cœur, tout en faisant le beau…