Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/314

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mille langues de sa bouche sanglante la gloire du Tout-Puissant…

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Ainsi, je rêve dans mon grenier. Le vent s’éteint. La lumière tombe. La neige, du bout de ses ailes, frôle la vitre. L’ombre se glisse. Mes yeux se brouillent. Je me penche sur mon livre, et je suis le récit, qui dans la nuit s’enfuit. Mon nez touche le papier : tel un chien à la piste, je renifle l’odeur humaine. La nuit vient. La nuit est venue. Et mon gibier s’échappe et s’enfonce dans l’avenue. Alors je m’arrête au milieu de la forêt, et j’écoute, le cœur battant de la poursuite, la fuite. Pour mieux voir au travers de l’ombre, je ferme les yeux. Et je rêve, immobile, étendu sur mon lit. Je ne dors guère, je rumine mes pensées ; je regarde parfois le ciel par la croisée. Lorsque j’étends le bras, je touche le carreau ; je vois la coupole d’ébène, que raie d’une goutte de sang une étoile filante… D’autres… Il pleut du feu, dans la nuit de novembre… Et je pense à la comète de César. C’est peut-être son sang qui dans le ciel ruisselle…

Le jour revient. Je rêve encore. Dimanche. Les cloches chantent. De leur bourdonnement ma fantaisie s’enivre. Elle emplit la maison, de la cave au grenier. Elle couvre mon livre (ah ! le pauvre Paillard) de mes inscriptions. Ma chambre retentit des roues des chariots, des armées, des clairons et des hennissements.