Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/32

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il gèle en mon univers. Ce sacripant d’hiver est entré dans la chambre. La plume entre mes doigts gourds trébuche. Dieu me pardonne ! un glaçon se forme dans mon verre, et mon nez a blêmi : exécrable couleur, livrée de cimetière ! j’ai le pâle en horreur. Holà ! secouons-nous ! Les cloches de Saint-Martin tintent et carillonnent. C’est aujourd’hui la Chandeleur… « l’hiver se passe, ou prend vigueur… » Le scélérat ! il prend vigueur. Eh bien, faisons comme lui ! Allons sur la grand-route, l’affronter face à face…

Le beau froid ! un cent d’aiguilles me picotent les joues. Embusquée au détour de la rue, la bise m’empoigne la barbe. Je cuis. Loué soit Dieu ! mon teint reprend son lustre… J’aime entendre sous mes pas la terre durcie qui sonne. Je me sens tout gaillard. Qu’ont donc tous ces gens-là, l’air piteux, maugracieux ? …

— « Allons ! gai, gai ! voisine, à qui en avez-vous ? À ce vent polisson qui vous trousse les cottes ? il fait bien, il est jeune ; que ne le suis-je aussi ! Il mord au bon endroit, le mâtin, le friand, il sait les fins morceaux. Patience, ma commère, il faut que chacun vive… Et où courez-vous donc, avec le diable au cul ? À la messe ? Laus Deo ! Il aura la victoire toujours sur le Malin. Rira celui qui pleure, et le gelé cuira… Bon, vous riez déjà ? Tout va bien… Où je cours, moi aussi ? Comme vous, à la messe. Mais non celle du curé. À la messe des champs. »

Je passe d’abord chez ma fille, pour prendre ma