Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/40

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ils se battent ? Hier, c’est pour le Roi, aujourd’hui pour la Ligue. Tantôt ce sont les cafards, tantôt les huguenots. Tous les partis se valent ; le meilleur ne vaut pas le cordeau pour le pendre. Que nous fait que ce soit ce larron ou cet autre, qui friponne à la cour ? Et quant à leur prétention de mêler Dieu à leurs affaires… ventre d’un petit poisson ! bonnes gens, laissez faire à Dieu ! Il est homme d’âge. Si le cuir vous démange, étrillez-vous tout seuls, Dieu n’a pas besoin de vous. N’est manchot, que je sache. Se grattera, s’il lui plaît…

Le pire est qu’ils prétendent me forcer, moi aussi, à lui faire la barbe !… Seigneur, je vous honore, et crois, sans me vanter, que nous nous rencontrons plus d’une fois par jour, si le dicton est vrai, le bon dicton gaulois : Qui bon vin boit, Dieu voit. Mais il ne me viendrait jamais à la pensée de dire, comme ces cagots, que je vous connais bien, que vous êtes mon cousin, que vous m’avez confié vos trente-six volontés. Vous me rendrez cette justice que je vous laisse en paix ; et tout ce que je vous demande, c’est que vous me laissiez de même. Nous avons assez à faire tous les deux de mettre l’ordre dans notre maison, vous dans votre univers, moi dans le petit mien. Seigneur, tu m’as fait libre. Je te rends la pareille. Mais ne voilà-t-il pas que ces faquins prétendent que j’administre tes affaires, que je parle pour toi, que je dise comment tu veux que l’on te mange, et que qui te mange autrement je le déclare ton ennemi et le mien !… Le mien ? nenni ! Je n’en ai point. Tous les hommes sont mes amis. S’ils se