IV
LE FLÂNEUR
OU UNE JOURNÉE DE PRINTEMPS
Avril, gracile fille du printemps, pucelette maigrelette, aux yeux charmants, je vois fleurir tes seins menus sur la branche d’abricotier, la branche blanche dont les bourgeons pointus, rosés, sont caressés par le soleil du frais matin, à ma fenêtre, en mon jardin. Quelle belle matinée ! Quelle félicité de penser qu’on verra, qu’on voit cette journée ! Je me lève, j’étire mes vieux bras où je sens la bonne courbature du travail acharné. Les quinze jours derniers, mes apprentis et moi, afin de rattraper les chômages forcés, nous avons fait voler les copeaux et chanter le bois sous nos rabots. Notre faim de travail est malheureusement plus vorace que n’est l’appétit du client. Eh ! l’on n’achète guère, on se presse encore moins de payer ce qu’on a commandé ; les bourses sont saignées à blanc ; n’y a plus de sang au fond des escarcelles ; mais y en a toujours dans nos bras et nos champs ; la terre est bonne, celle dont je