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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

par le commandant Chabran, qui habitait au rez-de-chaussée.

Le hasard l’avait mis en relations avec lui : — (le hasard sait toujours trouver ceux qui savent s’en servir). — La table de travail de Christophe était près de sa fenêtre. Un jour, le vent emporta quelques feuilles de musique dans le jardin d’en bas. Christophe courut les chercher, nu-tête, débraillé, comme il était, sans même prendre la peine de se donner un coup de brosse. Il pensait avoir affaire à un domestique. Ce fut la jeune fille qui lui ouvrit. Un peu interloqué, il lui exposa l’objet de sa visite. Elle sourit, et le fit entrer ; ils allèrent dans le jardin. Après qu’il eut ramassé ses papiers, il se hâtait de s’esquiver, et elle le reconduisait, quand ils se rencontrèrent avec l’officier. Le commandant regarda, d’un œil surpris, cet hôte hétéroclite. La jeune fille le lui présenta, en riant.

— Ah ! c’est vous, le musicien ? dit l’officier. Charmé. Nous sommes confrères.

Il lui serra la main. Ils causèrent, sur un ton d’ironie amicale, des concerts qu’ils se donnaient l’un à l’autre, Christophe sur son piano, le commandant sur sa flûte. Christophe voulait partir ; mais l’autre ne le lâchait plus ; et il s’était lancé dans des développements à perte de vue sur la musique. Brusquement, il s’arrêta, et dit :

— Venez voir mes canons.

Christophe le suivit, se demandant de quel