Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

202
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

et André n’eut pas de peine à convenir qu’en effet il connaissait Mlle  Chabran, et qu’elle était bien pour quelque chose dans les visites qu’il faisait à Christophe. Et, sa langue se déliant, il avoua qu’il avait pour la jeune fille une vieille amitié, et peut-être quelque chose de plus : la famille Elsberger était liée depuis longtemps avec celle du commandant ; mais, après avoir été très intimes, la politique, des événements récents les avaient séparées ; et depuis, elles ne se voyaient plus. Christophe ne cacha point qu’il trouvait cela idiot. Ne pouvait-on penser différemment et continuer de s’estimer ? André dit que oui, et protesta de sa liberté d’esprit ; mais il excepta de sa tolérance deux ou trois questions, sur lesquelles, selon lui, il n’était pas permis d’avoir un avis différent du sien ; et il nomma la fameuse Affaire. Là-dessus, il déraisonna, comme c’est l’usage. Christophe connaissait l’usage : il n’essaya point de discuter ; mais il demanda si cette Affaire ne finirait pas un jour, ou si sa malédiction devait s’étendre jusqu’à la fin des temps, sur les enfants des enfants de nos petits-enfants. André se mit à rire ; et, sans répondre à Christophe, il fit un éloge attendri de Céline Chabran, accusant l’égoïsme du père, qui trouvait tout naturel qu’elle se sacrifiât à lui.

— Que ne l’épousez-vous, dit Christophe, si vous l’aimez et si elle vous aime ?

André déplora que Céline fût cléricale. Chris-