Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/276

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Louisa était seule, couchée, et se sentait finir. De ses deux autres fils, l’un, le commerçant, Rodolphe, s’était établi à Hambourg, l’autre, Ernst, était parti pour l’Amérique, et l’on ne savait ce qu’il était devenu. Personne ne s’occupait d’elle, qu’une voisine, qui venait, deux fois par jour, voir ce dont Louisa avait besoin, restait quelques instants, et s’en retournait à ses affaires ; elle n’était pas trop exacte, et tardait souvent à venir. Louisa trouvait tout naturel qu’on l’oubliât, comme elle trouvait tout naturel d’avoir mal. Elle était d’une patience angélique, étant habituée à souffrir. Elle avait le cœur malade, et des suffocations, pendant lesquelles elle croyait qu’elle allait mourir : les yeux dilatés, les mains crispées sur ses draps, la sueur coulant sur son visage. Elle ne se plaignait pas. Elle savait que ce devait être ainsi. Elle était prête ; elle avait déjà reçu les sacrements. Elle n’avait qu’une inquiétude : que Dieu ne la trouvât pas digne d’entrer dans son paradis. Tout le reste, elle l’acceptait avec patience.

Dans le coin obscur de son réduit, autour de

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