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Jean-Christophe

ou à une troupe de nègres attachés à la file. Il vit avec étonnement que chaque soldat, ou chaque nègre, pouvait devenir à son tour monarque, ou tête de colonne d’une troupe semblable, et même qu’on pouvait en dérouler des bataillons entiers du haut en bas du clavier. Il s’amusait à tenir le fil qui les faisait marcher. Mais tout cela était devenu plus puéril que ce qu’il voyait d’abord : il ne retrouvait plus sa forêt enchantée. Pourtant il s’appliquait ; car ce n’était pas ennuyeux, et il était surpris de la patience de son père. Melchior ne se lassait point ; il lui faisait recommencer la même chose dix fois. Christophe ne s’expliquait pas qu’il se donnât tant de peine : son père l’aimait donc ? Qu’il était bon ! L’enfant travaillait, le cœur plein de reconnaissance.

Il eût été moins docile, s’il avait su ce qui se passait dans la tête de son maître.