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Jean-Christophe

par une saillie burlesque qui fit rire tout le monde. On se mit à manger. Hassler prit à part quatre ou cinq musiciens. Il distingua grand-père, et lui dit quelques mots très flatteurs ; il se rappelait que Jean-Michel avait été un des premiers à faire exécuter ses œuvres ; et il dit qu’il avait souvent entendu parler de son mérite par un ami, qui avait été l’élève de grand-père. Grand-père se confondit en remerciements ; il riposta par des louanges si énormes, que malgré son adoration pour Hassler, le petit en eut honte. Mais Hassler semblait les trouver très agréables et naturelles. Enfin grand-père, qui s’était perdu dans son amphigouri, tira Christophe par la main, et le présenta à Hassler. Hassler sourit à Christophe, lui caressa négligemment la tête ; et, quand il sut que le petit aimait sa musique, et qu’il ne dormait plus depuis plusieurs nuits, dans l’attente de le voir, il le prit dans ses bras, et le questionna amicalement. Christophe, rouge de plaisir et muet de saisissement, n’osait pas le regarder. Hassler lui prit le menton, le força à lever le nez. Christophe se hasarda : les yeux de Hassler étaient bons et rieurs ; il se mit à rire aussi. Puis il se sentit si heureux, si admirablement heureux dans les bras de son cher grand homme, qu’il fondit en larmes. Hassler fut touché par cet amour naïf ; il se fit plus affectueux encore, il embrassa le petit, et lui

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