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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/102

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LA FIN DU VOYAGE

fusse informée de vos succès. Vous ne m’en dites qu’un mot, en passant. Êtes-vous si détaché de tout ?… Ce n’est pas vrai. Dites-moi que cela vous fait plaisir… Cela doit vous faire plaisir, d’abord parce que cela me fait plaisir. Je n’aime pas à vous voir un air désabusé. Le ton de votre lettre était mélancolique. Il ne faut pas… C’est bien que vous soyez plus juste pour les autres. Mais ce n’est pas une raison pour vous accabler, comme vous faites, en disant que vous êtes pire que les pires d’entre eux. Un bon chrétien vous louerait. Moi, je vous dis que c’est mal. Je ne suis pas un bon chrétien. Je suis une bonne Italienne, qui n’aime pas qu’on se tourmente avec le passé. Le présent suffit bien. Je ne sais pas au juste tout ce que vous avez pu faire jadis. Vous m’en avez dit quelques mots, et je crois avoir deviné le reste. Ce n’était pas très beau ; mais vous ne m’en êtes pas moins cher. Pauvre Christophe, une femme n’arrive pas à mon âge, sans savoir qu’un brave homme est bien faible souvent. Si on ne savait sa faiblesse, on ne l’aimerait pas autant. Ne pensez plus à ce que vous avez fait. Pensez à ce que vous ferez. Ça ne sert à rien de se repentir. Se repentir, c’est revenir en arrière. Et en bien comme en mal, il faut toujours avancer. Sempre avanti, Sa-