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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/126

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LA FIN DU VOYAGE

infirme, qui avait été la cause innocente… Et Emmanuel, brusquement debout, avait aussi reconnu Christophe.

Ils restaient sans parler. Tous deux, en ce moment, ils voyaient Olivier… Ils ne se décidaient pas à se donner la main. Emmanuel avait fait un mouvement de recul. Après dix ans passés, une rancune inavouée, l’ancienne jalousie qu’il avait pour Christophe, ressortait du fond obscur de l’instinct. Il restait là, défiant et hostile. — Mais lorsqu’il vit l’émotion de Christophe, lorsqu’il lut sur ses lèvres le nom qu’ils pensaient tous deux : « Olivier !… » ce fut plus fort que lui : il se jeta dans les bras qui lui étaient tendus.

Emmanuel demanda :

— Je savais que vous étiez à Paris. Mais vous, comment m’avez-vous pu trouver ?

Christophe dit :

— J’ai lu votre dernier livre ; au travers, j’ai entendu sa voix.

— N’est-ce pas ? dit Emmanuel, vous l’avez reconnu ? Tout ce que je suis à présent, c’est à lui que je le dois.

(Il évitait de prononcer le nom).

Après un moment, il continua, assombri :

— Il vous aimait plus que moi.

Christophe sourit :

— Qui aime bien ne connait ni plus ni